Esbly : enquête sur deux comptes Facebook très proches de la majorité municipale
À Esbly, deux comptes Facebook récemment créés attirent l’attention : l’un ne publie que sur des sujets municipaux, l’autre se veut neutre tout en administrant un groupe historiquement lié à la majorité. Leur fonctionnement interroge et rappelle certains schémas connus d’astroturfing.
Un phénomène qui attire l’attention
Sur les réseaux sociaux, et particulièrement sur Facebook, le débat local occupe une place importante. On y échange sur les décisions municipales, sur la vie quotidienne, et sur les désaccords politiques.
Depuis quelques semaines, deux comptes récemment apparus attirent l’attention par leur comportement inhabituel : très peu d’amis, aucune trace de vie personnelle, et une activité presque exclusivement centrée autour de la communication municipale.
Il ne s’agit pas d’accuser qui que ce soit, mais d’observer et de décrire un phénomène local qui pose légitimement question.
Les faits observés : deux comptes au comportement atypique
Le compte “Jules Perrin”
Le premier compte, intitulé Jules Perrin, présente plusieurs caractéristiques peu communes :
- création récente,
- très faible nombre d’amis,
- aucune activité personnelle identifiable,
- seulement deux publications différentes, toutes liées à la vie municipale.
L’une de ces publications relaie des informations de stationnement ; l’autre parle d’un post du groupe d’opposition Esbly pour tous, apportant des précisions techniques sur la question de l’éclairage nocturne — des précisions que l’on rencontre habituellement chez des élus ou des personnes très proches du dossier.
Le ton et la précision peuvent surprendre compte tenu de l’absence totale d’historique du profil.
À ce jour, il n’existe par ailleurs aucune trace d’une personne portant ce nom sur les listes électorales, ce qui n’a rien d’une preuve en soi, mais constitue un élément supplémentaire de contexte.
Le nouveau compte administrant le groupe “La vie d’Esbly”
Un second compte, intitulé Claire Cavalazzi et créé il y a environ un mois, a lui aussi une présence sociale minimale : seulement sept amis. Parmi eux, trois membres de la majorité actuelle, dont deux adjoints.
Ce compte est subitement devenu administrateur du groupe “La vie d’Esbly”, anciennement “Ensemble pour Esbly”, un groupe créé avant l’élection précédente par l’équipe actuellement au pouvoir lorsqu’elle était encore dans l’opposition. Jusqu’à récemment, l’administration du groupe était assurée par un membre de leur liste non élu ; le changement soudain, au profit d’un profil récent et quasiment inconnu, surprend également.
Là encore, rien d’illégal, mais un ensemble d’éléments qui, mis bout à bout, interrogent.


Pourquoi ces éléments suscitent-ils des questions ?
En analyse des comportements numériques, certains critères sont fréquemment associés à des profils créés dans une optique d’influence politique :
- nombre très réduit d’amis,
- création récente,
- absence d’activité personnelle,
- publications exclusivement politiques,
- interactions centrées autour d’un même acteur ou d’une même institution.
Les deux comptes identifiés présentent plusieurs de ces caractéristiques.
Cela ne permet évidemment pas de conclure à leur nature exacte, mais invite à considérer l’hypothèse qu’ils pourraient être des comptes destinés à amplifier ou orienter des échanges politiques.
Un phénomène bien documenté à l’international
Les experts en cybersécurité et en communication politique décrivent depuis des années des méthodes d’influence reposant sur la création de profils simulant des citoyens ordinaires.
Ces techniques, popularisées notamment par les opérations d’influence russes visant des élections étrangères, utilisent des comptes récents, peu connectés, mais très actifs sur des sujets politiques précis.
Il ne s’agit pas de comparer Esbly à ces opérations massives, ni de suggérer un quelconque lien ; simplement de rappeler que les mécanismes observés ici — comptes jeunes, activité ciblée, absence de vie personnelle — ressemblent à des schémas déjà étudiés dans d’autres contextes.
D’un point de vue stratégique, un choix risqué
Si ces comptes avaient, hypothétiquement, pour but d’orienter la discussion locale, ce serait une stratégie étonnamment mal adaptée à une équipe en place.
Les dispositifs de type “faux profils”, lorsqu’ils existent, sont habituellement utilisés par des oppositions cherchant à semer le doute ou à amplifier leurs messages — un phénomène observé dans de nombreuses campagnes à travers le pays.
Pour une majorité municipale, en revanche, ce type de présence, même simplement suspectée, peut se révéler contre-productive : elle affaiblit la crédibilité de la communication officielle, brouille le message, et alimente la méfiance.
Une équipe sûre de sa gestion et de son bilan n’a rien à gagner à laisser planer, même involontairement, l’idée qu’elle pourrait recourir à des canaux parallèles.
Conclusion : un appel à la transparence
L’objectif de cet article n’est pas d’accuser, mais de documenter et de questionner un phénomène réel et observable.
Deux comptes récents, très peu connectés et très engagés dans la défense de la majorité municipale, adoptent un comportement qui rappelle celui de profils construits pour influencer les échanges.
Dans l’intérêt de tous — élus, opposants, habitants — une clarification sur les pratiques de communication numérique serait bienvenue.
À l’heure où la confiance dans les institutions est plus précieuse que jamais, la transparence reste la meilleure stratégie.
